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mardi 2 février 2021

L'Orthétrum brun (Orthetrum brunneum), une espèce méridionale dans notre région !

C'est dans un milieu marécageux bien ensoleillé, avec des zones d'eau stagnante sur substrat argileux et présentant une végétation éparse que j'ai découvert, ces dernières années, l'Orthétrum brun (Orthetrum brunneum) ! Cette espèce est considérée comme rare et vulnérable en Wallonie. En Condroz namurois elle n'est pratiquement pas renseignée.

 
Le 30 juin et le 1 juillet 2018, je parcourais l'étang mis en assec entourant le Château de Crupet pour y observer la végétation pionnière des sols exondés et humides. Non loin du ruisseau de Crupet qui coule à proximité du site, une seule petite partie conservait une surface d'eau libre peu profonde avec quelques plantes dispersées çà et là. Là, à ma grande surprise, au moins six Orthétrums bruns mâles se pourchassaient au ras de l'eau et ses abords, se posaient tantôt à même le sol, tantôt sur un gros bloc de pierre, sur un morceau de bois ou de tige et sur les rameaux séchés d'une plante.



                                                        Orthetrum brunneum mâle

En cette journée chaude et très ensoleillée, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y avait de l'agitation  parmi les libellules ! Je repérais aussi une femelle frappant l'eau du bout de son abdomen pour pondre et, enfin, j'assistais à plusieurs accouplements.



                                                   Orthetrum brunneum: accouplement

En 2017, on procéda à des coupes dans une aulnaie marécageuse de la vallée du Bocq, à Durnal (B). Dans cette formation forestière de la zone alluvionnaire de la rivière, j'avais remarqué des endroits assez marécageux avec une multitude de petits points d'eau pas trop profonds, assez vaseux, où fleurissaient de nombreux Populages des marais (Caltha palustris).


                      Populage des marais (Caltha palustris) dans l'aulnaie marécageuse

Je suis retourné sur les lieux le 6 juillet 2019 et le 13 juillet 2020. La mise en lumière du site avait alors favorisé une floraison assez remarquable notamment de la Reine des prés (Filipendula ulmaria) et de la Salicaire commune (Lythrum salicaria). De multitudes de petites vasques d'eau libre s'étaient formées suite au débardage et, c'est là, que j'ai pu observer à nouveau deux couples d'Orthetrum brunneum aux abords de celles-ci, ce qui constituait ma deuxième observation de l'espèce dans ma région.



                           Orthétrum brunneum: en haut, un mâle et en bas, une femelle

Cet Orthétrum fait partie des Odonates signifiant littéralement "mâchoires dentées" et rappelle le régime exclusivement carnivore de ces insectes. Cet Ordre est subdivisé en deux sous-ordre principaux: les Zygoptères, mieux connus sous le nom de demoiselles, et les Anisoptères que l'on a coutume d'appeler libellules.


Le Leste verdoyant (Lestes virens), par exemple, fait partie du sous-ordre des Zygoptères, Odonates élancés et grêles, ayant des ailes antérieures et postérieures de forme semblable et une tête étirée transversalement. Ceux-ci tiennent, au repos, leurs ailes jointes sur le dos ou légèrement ouvertes. Leur vol est peu vigoureux.


L'Aeschne mixte (Aeshna mixta) à la silhouette robuste est, par contre, du sous-ordre des Anisoptères. Ses ailes postérieures sont plus larges que les antérieures, sa tête à une forme hémisphérique. Ses ailes sont étalées plus ou moins horizontalement au repos. Son vol est beaucoup plus soutenu et rapide.

L'Orthétrum brun est donc un Anisoptère de la Famille des Libellulidés. Le Genre Orthetrum ressemble fort à celui des Libellula qui comprend notamment la fort courante Libellule déprimée (Libellula depressa).


La libellule déprimée (Libellula depressa) mâle se distingue notamment des Orthétrums par la présence de macules noires à la base des ailes postérieures, à son abdomen court, fortement élargi et aplati dorso-ventralement. Les espèces du Genre Orthetrum s'en distingue notamment par l'absence des taches noires à la base des ailes postérieures.

Actuellement, quatre espèces d'Orthétrums sont observés en Wallonie. 

1. L'Orthétrum réticulé (Orthetrum cancellatum) est le plus commun et s'observe sur la plupart des plans d'eau de Belgique. Les imagos aiment se poser sur les grèves de sable, de vase ou de terre nue, ou encore sur des tiges desséchées bien en vue. Les femelles, plus discrètes, ne s'approchent des plans d'eau que pour pondre. Elles rasent alors l'eau d'un vol rapide, s'arrêtent au-dessus des zones qui conviennent et dispersent leurs oeufs en frappant la surface aquatique de l'extrémité de l'abdomen, en changeant constamment de place.


Orthetrum cancellatum (accouplement): les ptérostigmas (cellules colorées situées  près de l'apex des ailes, sur les bords antérieurs) sont noirs, l'abdomen en général est bleu avec l'extrémité noirâtre chez les mâles,  jaune et noir chez les femelles (attention, suivant l'âge, les teintes chez les deux sexes peuvent varier). Il n'y a pas de taches noires dans les ailes.


                                     Orthetrum cancellatum: mâle


L'Orthétrum réticulé a un comportement nettement pionnier. Il habite une grande partie de l'Europe. On le rencontre de mi-mai à mi-septembre sur tous types de plans d'eau, y compris des mares récentes. En Wallonie, c'est une espèce commune et sa fréquence est en augmentation.

2. L'Orthétrum bleuissant (Orthetrum coerulescens) est de taille plus modeste que l'Orthétrum réticulé. Ses ptérostimas sont clairs (jaune ocre). Au contraire d'Orthetrum brunneum, le thorax du mâle est le plus souvent dépourvu de pulvérulence bleue, mais peut occasionnellement en être légèrement recouvert. Son abdomen est entièrement bleu et son front est brun sombre.


La femelle au front jaune ou brun jaunâtre possède un abdomen d'abord jaune avec des lignes noires devenant ensuite brun (parfois bleuâtre chez les libellules âgées).


                                      Orthetrum coerulescens: femelle

L'Orthétrum bleuissant a une distribution sud et centre européenne. Il est peu fréquent en Belgique et vulnérable. En Condroz namurois, je ne connais aucunes données actuellement. On le trouve de juillet à août dans des milieux bien ensoleillés, surtout près de petits ruisseaux lents, de fossés dans des prairies, de suintements, des bas-marais acides et des résurgences dans les carrières riches en calcaire, des drains des tourbières ainsi que dans les landes aux abords de ruisseaux tourbeux pauvres en végétation. L'eutrophisation des eaux serait un facteur très défavorable pour l'espèce, alors qu'elle semble indifférente à la couverture générale de végétation, d'après  B. Gauquie (2010).

3. L'Orthétrum brun (Orthetrum brunneum) est l'espèce qui nous occupe.  Avec l'Orthétrum bleuissant, les caractéristiques des lieux de reproduction de l'espèce sont: un bon ensoleillement, une eau de faible profondeur, présentant une bonne qualité physico-chimique et se renouvelant en permanence par suintement, résurgence ou écoulement (B. Gauquie, 2010). Cependant, il apparaît qu'Orthetrum brunneum occupent des milieux plus variés et que, sur les eaux où l'eau stagne, il se révèle être une espèce essentiellement des stades pionniers, finissant par disparaître lorsque la végétation devient trop haute.


Le mâle d'Orthetrum brunneum est facilement identifiable grâce à la couleur bleue de son thorax au bout de l'abdomen, à la couleur brun rougeâtre ou jaunâtre des ptérostigmas et à sa face blanche ou bleu pâle.


La femelle, à la face également pâle, possède un abdomen entièrement brun jaune avec des paires de points distincts le long de la fine ligne médiodorsale noire.


                                 Orthetrum brunneum: mâle au thorax bleu et à la face pâle

C'est une espèce thermophile largement répandue dans le Sud de l'Europe, en France, dans les Balkans et en Roumanie, qui progresse actuellement vers le Nord. Autrefois très rare chez nous, les observations se sont multipliées, à partir des années 1980, d'abord en Gaume et en Fagne-Famenne, puis de plus en plus à travers tout le pays (R.-M. Lafontaine, Th. Delsinne et P. Devillers, 2013).


4. L'Orthétrum à stylets blancs (Orthetrum albistylum) est un nouveau venu dans notre pays. N'étant pas renseigné avant juillet 2016, année durant laquelle il fut découvert en Famenne et en Lorraine (A. De Broyer et M. Ameels), cet Orthétrum est une espèce très similaire à Orthetrum cancellatum, mais la présence d'appendices terminaux généralement blancs permet de le distinguer. Sa répartition s'étend de l'Ouest de l'Europe au Japon. Il semble en extension vers le Nord suite aux modifications climatiques.


Orthetrum albistylum mâle (Photo Mireille Henry)



Texte et photos: François Hela, à l'exception de celle d'Orthetrum albistylum
Les photos sont prises à Crupet, Durnal, Etalle, Roly, Marche-en-Famenne, Berg et Tenneville (B).

Ouvrages et documents consultés:

de Schaetzen R., Goffart Ph. et Fichefet V.: " Chaud devant...froid dans le dos ! (4), in "Natagora "n°8 - Juillet-Août 2005.

Gauquie B.: " Habitats de l'Orthétrum brun (Orthetrum brunneum) et de l'Orthétrum bleuissant (Orthetrum coerulescens) sur le territoire du Parc Naturel des Plaines de l'Escaut et dans le Bassin carrier tournaisien ", in " Les Naturalistes belges ", 91, 3-4, 2010, pages 37 à 53.

Goffart Ph., De Knijf G., Anselin A. et Tailly M.: " Les Libellules (Odonata) de Belgique - Réparttion, tendances et habitats " - Publication de Groupe de Travail Libellules Gomphus et du Centre de Recherche de la Nature, des Forêts et du Bois  (Région wallonne - DGRNE) - Série "Flore - Habitats ", n°1, Gembloux, 2006.

Goffart Ph. et de Schaetzen R.: " Des libellules méridionales en Wallonie: une conséquence du réchauffement climatique ", in " Forêt wallonne ", 51, 2-5, 2001.

Grand D., Boudot J.-P. et Doucet G.: " Cahier d'identification des Libellules de France, Belgique, Luxembourg et Suisse " - Editions biotope, 2014.

Jurzitza G.: " Libellules d'Europe - Europe centrale et méridionale " - Editions Delachaux et Niestlé, Lausanne-Paris, 1993. 

Lafontaine R.-M., Delsinne Th. et Devillers P.: " Evolution des populations de libellules de la Région Bruxelles-Capitale - leurs récentes augmentations - importance de la gestion des étangs ", in " Les Naturalistes belges ", 94, 2-3-4, 2013, pages 33 à 70.

Lafontaine R.-M. et de Schaetzen R.: " Que s'est-il passé depuis l'an 2000 pour les libellules méridionales en Wallonie et à Bruxelles ? ", in " Les Naturalistes belges ", 90, 3-4, 2009, pages 33 à 46.

Motte G., Vandevyvre X. et Dufrêne M.: " Evolution des populations d'Odonates des Mares de Ben-Ahin, vingt ans après la création de la réserve naturelle ", in " Les Naturalistes belges ", 93, 4, 2012, pages 65 à 84.

Vergie J.: "A la rencontre des Libellules - Découvrez le monde fabuleux des Odonates ", in "Cahier technique de la Gazette des Terriers n°104 - Ed. Fédérations des clubs CPN - 08240 Boult-aux-Bois (F), Mai 2003.


























mardi 19 janvier 2021

Une enquête à propos d'une plante à fleurs sans chlorophylle: le Monotrope sucepin ( Monotropa hypopitys) !



C'est dans l'ombre d'une pessière ou d'une pinède âgée que j'ai découvert cette étrange Ericacée sans chlorophylle. Sa tige pâle et dressée ainsi que ses fleurs blanc jaunâtre en grappes unilatérales tranchaient avec le vert des tapis de mousses couvrant le sol entre les troncs sombres des conifères.



                                       Le Sucepin (Monotropa hypopitys subsp. hypopitys)

Voici donc une plante à fleurs non chlorophyllienne ! Les plantes sont généralement vertes et  autotrophes, ne dépendant donc pas des autres êtres vivants pour se nourrir. Elles utilisent les matières minérales présentes dans leur environnement (eau, sels minéraux et dioxyde de carbone) et, grâce à l'énergie solaire captée par leurs pigments chlorophylliens, les transforment en matière organique nécessaire à leur fonctionnement. Hors, celle-ci en est dépourvue et croît en des stations extrêmement peu ensoleillées ! Dés lors, on peut se poser la question suivante: comment se nourrit-elle ? C'est justement ce que nous allons tacher ici d'y répondre, ce qui se rapproche d'une véritable enquête à la Sherlock Holmes !





                   Le Monotrope sucepin (Monotropa hypopitys) d'après J.C. Rameau et al. 

1. tige dressée à poils glanduleux et écailles dressées, alternes et entières
2. fleurs presque régulières, blanc jaunâtre, odorantes, disposées en grappe terminale, unilatérale, d'abord courbée en crosse puis redressée à complète floraison
3. 4 ou 5 sépales libres, semblables aux pétales; 4 ou 5 pétales libres rapprochés; style en entonnoir
4. capsules ovoïdes à 4 ou 5 loges contenant de nombreuses graines
5. tige sèche pouvant rester en place jusqu'à l'année suivante



 

Après la présentation de ce végétal particulier, venons-en à notre question ! Sans chlorophylle, le Monotrope sucepin est donc hétérotrophe puisqu'il consomme les substances organiques élaborées par un autre être vivant. En outre, il pourrait être saprophage dans le sens qu'il se nourrirait de tissus en voie de décomposition comme de nombreux champignons et beaucoup de bactéries. Dans ce cas, dans les réseaux trophiques, il ferait partie des "décomposeurs". Mais, j'ai des doutes que ce soit une bonne explication, car les limites du saprophytisme sont difficiles à cerner !


L'Helvelle crépue (Helvella crispa), par exemple, est un saprophyte principalement dans les bois de feuillus.

Continuons nos recherche et cherchons d'autres possibilités ! On pourrait être en présence d'un parasite vivant aux dépens d'un autre être vivant, appelé hôte, dont il tire tout ou partie de ses nutriments. Cependant, il ne semble pas que ce parasitisme soit de même facture que pour d'autres plantes non chlorophyllienne comme les orobanches qui, par l'intermédiaire de suçoirs, parasitent les racines de diverses Dicotylédones (gaillets, genêts, Achillée millefeuille, Fabacées, Lierre, ...) ou comme les lathrées qui agissent de la même manière sur les racines des arbres et arbustes (noisetier, aulne, ormes, peupliers, saules, ...).

                                                     
                                                     Orobanche du trèfle (Orobanche minor)



                                           Lathrée écailleuse (Lathraea squamaria)

Ces deux plantes non vertes de la Famille des Orobanchacées sont des parasites sur les racines de diverses plantes herbacées ou de plusieurs arbres et arbustes par l'intermédiaire de suçoirs.

Le Monotrope sucepin ferait-il partie d'une symbiose, une relation trophique complexe, dans laquelle normalement deux organismes tirent profit l'un de l'autre dans une association permanente ?  C'est le cas des mycorhizes (champignons associés au système racinaire d'une plante supérieure) ! Là, nous nous rapprochons peut-être de la réponse !

 

Par exemple, en forêt, on sait que de nombreux arbres (conifères ou  feuillus) sont associés à des mycéliums qui s'agglomèrent en manchons cylindriques à la surface - ou immédiatement sous la surface de leurs racines. Aux "racines-champignons" ainsi constituées on donne le nom de mycorhizes. Les champignons en cause sont des espèces courantes dont les sporophores s'observent facilement, surtout en automne, dans les bois: amanites, agarics, bolets, ...


Le Bolet élégant (Suillus grevillei) est une espèce mycorhizienne liée aux Mélèzes (Larix spec.).


Coupe dans une racine de pin (x 100): les filaments du champignon symbiotique forment un manchon à l'extrémité de la racine (Dessin adapté de Magnus)

Les mycorhizes absorbent notamment les sels minéraux du milieu extérieur lorsqu'ils sont abondants et les stockent dans leur manchon de mycélium. Après quoi - comme un bon accumulateur - elles se déchargent lentement en assurant une redistribution graduelle de ces sels au système arbre-champignon tout entier. Il est intéressant de noter que dans les sols pauvres ou la production de sels minéraux est très irrégulière, cette intervention des mycorhizes se révèle éminemment favorables aux arbres, ce qui est particulièrement vrai dans les bois de conifères. En revanche le champignon acquiert des arbres le produit de la photosynthèse.


                                                      Photo: Bernd Haynold

C'est peut-être dans ce contexte que nous devrions trouver la réponse, mais avec des nuances ! En fait, comme le disent M. Bournérias et Chr. Bock, il s'agit d'un heureux ménage à trois pratiquant naturellement des échangent complexes. Le Monotrope fut d'abord soupçonné d'être un parasite, à la façon d'une Orobanche et, pourtant, il n'est pas fixé sur les racines du Pin ! Les études de E. Björkmann (1960) ont montré que le Monotrope et l'arbre sont associés à un même champignon mycorhizien (proche des Bolets). Celui-ci cède à la plante non chlorophyllienne les substances organiques prises au végétal autotrophe !

 Pour voir en grand, cliquez sur le dessin !


1. Le Pin
2. Les sporophores des champignons
3. Les Monotropes
4. Mycéliums
5. Mycorhizes

Dessin adapté de Christine Dabonneville


Bernard Boullard (1990) résume cette histoire de façon pittoresque: " il y a un volé (l'arbre), un voleur (le champignon) et un receleur (le Monotrope) ". N'oublions cependant pas que le premier et le dernier reçoivent l'eau et les ions minéraux du " voleur " !

Et voilà le résultat de nos recherches ! Notre Monotrope est en fait alimenté en carbone par des partenaires mycorhiziens: il est dit mycotrophe, ce qui renverse totalement les liens trophiques habituels, ou la plante fournit les produits de la photosynthèse au champignon !

                               Le Suce-pin (Monotropa hypopitys, d'après M.-A. Selosse (2000)

Pour conclure, la plante mycotrophe parasite indirectement un végétal chlorophyllien (le Pin) par le biais d'un mycorhizien commun (le champignon). Monotropa hypopitys forment ainsi des endomycorhizes très spécifiques avec des basidiomycètes ectomycorhiziens (bolets) des conifères (Pins, Epicéas, ...) voisins, ce qui explique qu'on trouve la plante la plupart du temps sous ces arbres. On la surnomme "Suce-Pin ou Sucepin" pour cette raison.

Dans notre région, une autre plante sans chlorophylle mycotrophe croît de mai à juillet à l'ombre des bois à humus doux, principalement des chênaies ou hêtraies, souvent sur des sols riches en bases. Il s'agit d'une Orchidacée sans chlorophylle appelée Néottie nid-d'oiseau (Neottia nidus-avis) en raison de ses racines hypertrophiées par le champignon, réunies en masse compacte ayant la forme d'un nid d'oiseau.


Texte: Fr. Hela
Photos pour lesquelles l'auteur n'est pas indiqué: Fr. Hela 
Mes photos de Monotropa hypopitys ont été prises à Leignon (B), celles de Suillus grevillei, de la pessière et de la pinède à Durnal (B), celles de Neottia nidus-avis et d'Helvella crispa, à Yvoir (B), celle d'Orobanche minor, à Etalle (B) et celle de Lathraea squamaria, à Crupet (B).

Ouvrages consulté:

Boullard B.: " Guerre et paix dans le règne végétal " - Ed. Ellipses, 1990

Bournérias M. et Bock Chr.: " Le Génie des Végétaux - Des conquérants fragiles " Ed. Belin . Pour la Science, Paris, 2006

Bruge H.: " Champignons - Notions élémentaires " - Ed. Les Naturalistes Belges, Bruxelles, 1977

Dabonneville Chr.: "  Les plantes parasites ", in " La Garance voyageuse " (revue du monde végétal), Hiver 2005 - n°72 (pages 18 à 24)

Da Lage A. et Métailié G.: " Dictionnaire de Biogéographie végétale " Ed. CNRS, Paris, 2000

Lambinon J. et F. Verloove: " Nouvelle Flore de la Belgique, du Grand-Duché de Luxembourg, du Nord de la France et des Régions voisines (Ptéridophytes et Spermatophytes) " Sixième édition - Ed. du Jardin botanique national de Belgique, B-1860 Meise, 2012

Le Tacon Fr. et Lagrange H.: " Les mycorhizes: une association à bénéfices réciproques entre plantes et champignons ", in " La Garance voyageuse " (revue du monde végétal), Automne 2000 - n°51 (pages 12 à 17)

Rameau J.C., Mansion D. et Durmé G.: " Flore forestière française " 1. Plaines et collines - Ed. Institut pour le développement forestier (F), 1989

Raynal-Roques A.: "La botanique redécouverte " - Ed. Belin - INRA, 1994

Selosse M.-A.: " La Symbiose - Structures et fonctions, rôle écologique et évolutif "- Ed. Vuibert, Paris, 2000







 















mercredi 6 janvier 2021

Les deux lézards de notre région


Le Lézard des murailles (Podarcis muralis)


Un muret de pierre calcaire dans le centre d'un village ! A mon passage, une silhouette furtive disparaît promptement dans une anfractuosité. J'attends, en m'éloignant un peu ! Le voilà ! Un Lézard des murailles (Podarcis muralis) sort de sa cachette pour prendre un peu de soleil, en ce début du mois de mars.

Je le reconnais d'emblée à ses pattes fines aux longs doigts et à sa tête, bien distincte du cou, allongée et terminée par un museau conique. Il est peu craintif et assez curieux pour peu que l'on reste immobile et que l'on ne fasse pas de geste brusque. A peine entrevu, il ressort de sa cachette après peu de temps. Cependant, l'observation d'un lézard dans une fente d'un mur n'indique pas nécessairement que l'on a affaire à un Lézard des murailles ! Un lézard vivipare (Zootoca vivipara) pourrait  aussi s'y abriter. Regardons-le bien !


Son corps mince est assez aplati dorso-ventralement, lorsqu'il se chauffe au soleil. Ses flancs montrent deux raies longitudinales ou séries de taches claires délimitant une zone plus foncée tachetée de points plus clairs. Un autre caractère distinctif est une longue queue très effilée, qui occupe les deux tiers du corps. Adulte, la taille du Lézard des murailles est comprise en général entre 18 et 20 cm, l'appendice caudal compris.


Le Lézard des murailles est le plus rapide et le plus agile de nos lézards. Il est bien meilleur grimpeur que le Lézard vivipare. Chez nous, c'est aussi le lézard le plus précoce: à certains endroits abrités et bien exposés, il sort dés les derniers jours de février pour peu qu'il y ait du soleil, même si la température de l'atmosphère reste basse. 
La coloration et les dessins du corps du Lézard des murailles sont très variables, d'un individu à l'autre, y compris au sein d'une même population. Voici quelques exemples !

                                           Des mâles adultes





 


                                            Des femelles adultes





Un juvénile




Les accouplement ont lieu généralement en avril. C'est l'époque des querelles parfois violentes, des poursuites éperdues dans les cailloutis et les ronciers, des culbutes brutales au pied des talus ! La femelle pond, en mai-juin surtout, un petit nombre d'oeufs dans un trou qu'elle creuse elle-même dans le sol meuble ou sous une pierre. Les jeunes à l'éclosion mesure déjà 6 cm et sont gris brunâtre clair avec des taches plus pâles.




Si les vieux murs ou murets peu rejointoyés et bien exposés méritent toute notre attention, ils restent pour l'espèce des habitats secondaires, les lieux principalement recherchés par le Lézard des murailles étant les parois rocheuses ensoleillées, avec une prédilection pour les substrats calcaires. Son aire de répartition en Belgique est limitée en premier lieu au bassin hydrographique mosan: vallée de la Meuse, où Maastricht constitue sa limite septentrionale européenne, et ses principaux affluents et sous-affluents. La population belge de ce lézard se situe dans la marge nordique de son aire de répartition: malgré les bonnes densités notées dans certaines stations, elle est morcelée. C'est une espèce thermophile et héliophile ! Les ruines ensoleillées, les remparts et les carrières sont aussi fréquentées lorsqu'elles sont proches des milieux rocheux habituellement occupés.


 
Muret au centre de Durnal (B) occupé par notre lézard
 

                  Parois rocheuses et ruines fréquentées par l'espèce, à Houx-sur-Meuse (B)




Ancienne carrière de l'Herbois, à Durnal (B): habitat secondaire du Lézard des muraille


 

Les voies ferrées, désaffectées ou non, de la région offrent des axes nouveaux de colonisation pour le Lézard des murailles, ce qui lui permet de se disperser sur d'autres sites rocheux ou secondaires, comme ici à Dorinne (B), dans la vallée du Bocq.




                               Le Lézard vivipare (Zootoca vivipara)


A la lisière de la forêt, par une journée ensoleillée du mois de septembre, voici des vieilles souches bien pourries ! De ci de là, de petites têtes  apparaissent ! Il ne faut pas trop bouger, car ils sont assez farouches ! Leur couleur les rendent parfois peu visibles parmi les écorces: ce sont cette fois des Lézards vivipares (Zootoca vivipara) ! Pour les découvrir en milieu forestier, mon attention se porte sur des tas de bois, sur les souches ou sur des talus bordant les chemins, de préférence aux lisières  ensoleillées ou à la mi-ombre. Ils sont souvent discrets et les repérer demande beaucoup de patience.  




Il est le plus petit de nos lézards et le plus commun (15 cm, queue comprise, exceptionnellement 18 cm). Son tronc est allongé, semblant trapu et très peu aplati. Celui-ci est terminé par une queue apparaissant relativement courte, épaisse à la base mais effilée à l'extrémité.




Sa tête est petite, peu distincte du cou et terminée par un museau obtus. Ses pattes sont assez courtes. Les écailles de son dos sont grossières et carénées; le dessous du cou présente un collier nettement denté.

Comparaison des têtes de nos deux lézards:
 

  Tête d'un Lézard des murailles (Podarcis muralis) - Tête d'un Lézard vivipare (Zootoca vivipara)


1. La région rétro-oculaire: chez le Lézard des murailles, la plaque massétérine est nettement plus grande que les écailles avoisinantes, tandis que chez le Lézard vivipare, celle-ci est de dimension comparable à celles des écailles temporales.

2. La région supra-oculaire: chez le Lézard des murailles, les écailles surciliaires et sus-oculaires sont séparées par une série de granules alignés, tandis que chez le Lézard vivipare, les écailles surciliaires sont en contact avec les sus-oculaires.

3. Le collier: chez le Lézard des murailles, le bord postérieur du collier est linéaire et chez le Lézard vivipare, celui-ci est crénelé.


La coloration de fond du Lézard vivipare est généralement brune, parfois rousse ou grise, avec des marques jaunes, brun foncé ou noires; les dessins sont très variables.


                                           Celui-ci est parasité par au moins une tique !


                                           Un exemplaire particulièrement cuivré !


On peut observer le Lézard vivipare en train de sa chauffer au soleil, sur l'herbe sèche, sur un endroit couvert de mousses, sur des souches, des troncs d'arbres morts, des piquets de clôture, des tas de pierres, des vieux murs,  ...
 


                                        
Le Lézard vivipare sort de sa léthargie hivernale très tôt, vers la mi-mars (parfois dés février). Les mâles adultes seraient les premiers à se réveiller. Les femelles et les immatures réapparaissent environ un mois plus tard. Les mâles sont souvent agressifs lors de la période de reproduction et les escarmouches ne sont pas rares. C'est en avril-mai que les accouplements ont lieu. La fécondation des oeufs est différée et ne se produit que vers la mi-mai. Plus tard, le corps des femelles "pleines" apparaît nettement gonflé et cylindrique. La gestation dure environ deux à trois mois et les jeunes viennent au monde de la fin juillet à septembre, encore enveloppés dans une membrane diaphane qu'ils déchirent aussitôt. Le lézard vivipare est ovovivipare !




Les juvéniles sont de petits lézards sombres dont la coloration dominante est brun foncé à noir, avec de petites taches claires peu apparentes. A l'éclosion, ils mesurent de 30 à 50 mm.



Il est parfois actif par temps couvert et, comme les autres lézards, il est souvent repéré par le bruit de sa fuite dans la végétation. En cas de danger, il se réfugie parfois dans l'eau ou s'aventure sur les tapis de végétation flottante des marais. Il quitte généralement sa retraite pour rejoindre son site d'insolation après quelques minutes. On le trouve dans différents biotopes, mais c'est à proximité immédiate de l'eau ou en contact avec des zones humides qu'on a le plus de chance de l'observer (prairies proches de fossés, friches mésophiles, suintement d'eau carbonatée, tufs calcaires, anciennes argilières, landes à bruyères, ...). 


                                           Ancienne argilière

                                    

                        Marais tourbeux où l'on peut observer notre lézard sur un caillebotis



Lézard vivipare une espèce héliophile et hygrophile qui fréquente aussi des milieux plus secs, mais alors toujours liés à des zones de transition: lisières et chemins forestiers ensoleillés, clairières et coupes à blanc, affleurements rocheux ou éboulis, talus, ...


 

                                           Lézard vivipare en mue


Photos et texte: Fr. Hela
Les photos sont prises à Awagne, Ciney, Dave, Dorinne, Durnal, Celles (Namur), Gedinne (Croix-Scaille), Houx-sur-Meuse, Leignon, Lustin, Maillen, Salet, Serinchamps, Spontin, Stoumont, Tellin, Vallée de la Meuse entre Namur et Anseremme, Vallée du Bocq et Yvoir

Ouvrages consultés

Arnold E.N. et Burton J.A.: "Tous les reptiles et amphibiens d'Europe en couleurs", Ed. Elsevier Séquoia (multiguide nature), Bruxelles, 1978

Dottrens E.: " Batraciens et reptiles d'Europe ", Ed. Delachaux et Niestlé, Neuchâtel (Suisse), 1963

Graitson E.: " Résultat d'un inventaire des reptiles par la méthode des "plaques refuges" en région wallonne ", in Natura Mosana, Vol. 56 n°4, octobre-novembre-décembre 2003, pp. 73 à 83

Jacob J.-P. et Remacle A.: " Amphibiens et reptiles de Gaume " Ed. S.I. Virton - La Gaume Naturelle, 2015
 
Jacob J.-P. et al.: "Amphibiens et Reptiles de Wallonie ", Ed. Aves - Raînne et du Centre de Recherche de la Nature, des Forêts et du Bois (Région wallonne - DGRNE), 2007

Matz G. et Weber D.: " Amphibiens et reptiles d'Europe ", Ed. Delachaux et Niestlé, Neuchâtel (Suisse) - Paris, 1983

Parent G.-H.: " Contribution à la connaissance du peuplement herpétologique de la Belgique ", in Naturalistes Belges, 73,2, Avril-juin, pp. 33 à 62

Parent G.H.: "Atlas des Batraciens et Reptiles de Belgique ", in Cahiers d'Ethologie Appliquée, Vol. 4, Fasc.. 3, 1984, Université de Liège - Institut de Zoologie (J.-C. Ruwet)