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mercredi 6 janvier 2021

Les deux lézards de notre région


Le Lézard des murailles (Podarcis muralis)


Un muret de pierre calcaire dans le centre d'un village ! A mon passage, une silhouette furtive disparaît promptement dans une anfractuosité. J'attends, en m'éloignant un peu ! Le voilà ! Un Lézard des murailles (Podarcis muralis) sort de sa cachette pour prendre un peu de soleil, en ce début du mois de mars.

Je le reconnais d'emblée à ses pattes fines aux longs doigts et à sa tête, bien distincte du cou, allongée et terminée par un museau conique. Il est peu craintif et assez curieux pour peu que l'on reste immobile et que l'on ne fasse pas de geste brusque. A peine entrevu, il ressort de sa cachette après peu de temps. Cependant, l'observation d'un lézard dans une fente d'un mur n'indique pas nécessairement que l'on a affaire à un Lézard des murailles ! Un lézard vivipare (Zootoca vivipara) pourrait  aussi s'y abriter. Regardons-le bien !


Son corps mince est assez aplati dorso-ventralement, lorsqu'il se chauffe au soleil. Ses flancs montrent deux raies longitudinales ou séries de taches claires délimitant une zone plus foncée tachetée de points plus clairs. Un autre caractère distinctif est une longue queue très effilée, qui occupe les deux tiers du corps. Adulte, la taille du Lézard des murailles est comprise en général entre 18 et 20 cm, l'appendice caudal compris.


Le Lézard des murailles est le plus rapide et le plus agile de nos lézards. Il est bien meilleur grimpeur que le Lézard vivipare. Chez nous, c'est aussi le lézard le plus précoce: à certains endroits abrités et bien exposés, il sort dés les derniers jours de février pour peu qu'il y ait du soleil, même si la température de l'atmosphère reste basse. 
La coloration et les dessins du corps du Lézard des murailles sont très variables, d'un individu à l'autre, y compris au sein d'une même population. Voici quelques exemples !

                                           Des mâles adultes





 


                                            Des femelles adultes





Un juvénile




Les accouplement ont lieu généralement en avril. C'est l'époque des querelles parfois violentes, des poursuites éperdues dans les cailloutis et les ronciers, des culbutes brutales au pied des talus ! La femelle pond, en mai-juin surtout, un petit nombre d'oeufs dans un trou qu'elle creuse elle-même dans le sol meuble ou sous une pierre. Les jeunes à l'éclosion mesure déjà 6 cm et sont gris brunâtre clair avec des taches plus pâles.




Si les vieux murs ou murets peu rejointoyés et bien exposés méritent toute notre attention, ils restent pour l'espèce des habitats secondaires, les lieux principalement recherchés par le Lézard des murailles étant les parois rocheuses ensoleillées, avec une prédilection pour les substrats calcaires. Son aire de répartition en Belgique est limitée en premier lieu au bassin hydrographique mosan: vallée de la Meuse, où Maastricht constitue sa limite septentrionale européenne, et ses principaux affluents et sous-affluents. La population belge de ce lézard se situe dans la marge nordique de son aire de répartition: malgré les bonnes densités notées dans certaines stations, elle est morcelée. C'est une espèce thermophile et héliophile ! Les ruines ensoleillées, les remparts et les carrières sont aussi fréquentées lorsqu'elles sont proches des milieux rocheux habituellement occupés.


 
Muret au centre de Durnal (B) occupé par notre lézard
 

                  Parois rocheuses et ruines fréquentées par l'espèce, à Houx-sur-Meuse (B)




Ancienne carrière de l'Herbois, à Durnal (B): habitat secondaire du Lézard des muraille


 

Les voies ferrées, désaffectées ou non, de la région offrent des axes nouveaux de colonisation pour le Lézard des murailles, ce qui lui permet de se disperser sur d'autres sites rocheux ou secondaires, comme ici à Dorinne (B), dans la vallée du Bocq.




                               Le Lézard vivipare (Zootoca vivipara)


A la lisière de la forêt, par une journée ensoleillée du mois de septembre, voici des vieilles souches bien pourries ! De ci de là, de petites têtes  apparaissent ! Il ne faut pas trop bouger, car ils sont assez farouches ! Leur couleur les rendent parfois peu visibles parmi les écorces: ce sont cette fois des Lézards vivipares (Zootoca vivipara) ! Pour les découvrir en milieu forestier, mon attention se porte sur des tas de bois, sur les souches ou sur des talus bordant les chemins, de préférence aux lisières  ensoleillées ou à la mi-ombre. Ils sont souvent discrets et les repérer demande beaucoup de patience.  




Il est le plus petit de nos lézards et le plus commun (15 cm, queue comprise, exceptionnellement 18 cm). Son tronc est allongé, semblant trapu et très peu aplati. Celui-ci est terminé par une queue apparaissant relativement courte, épaisse à la base mais effilée à l'extrémité.




Sa tête est petite, peu distincte du cou et terminée par un museau obtus. Ses pattes sont assez courtes. Les écailles de son dos sont grossières et carénées; le dessous du cou présente un collier nettement denté.

Comparaison des têtes de nos deux lézards:
 

  Tête d'un Lézard des murailles (Podarcis muralis) - Tête d'un Lézard vivipare (Zootoca vivipara)


1. La région rétro-oculaire: chez le Lézard des murailles, la plaque massétérine est nettement plus grande que les écailles avoisinantes, tandis que chez le Lézard vivipare, celle-ci est de dimension comparable à celles des écailles temporales.

2. La région supra-oculaire: chez le Lézard des murailles, les écailles surciliaires et sus-oculaires sont séparées par une série de granules alignés, tandis que chez le Lézard vivipare, les écailles surciliaires sont en contact avec les sus-oculaires.

3. Le collier: chez le Lézard des murailles, le bord postérieur du collier est linéaire et chez le Lézard vivipare, celui-ci est crénelé.


La coloration de fond du Lézard vivipare est généralement brune, parfois rousse ou grise, avec des marques jaunes, brun foncé ou noires; les dessins sont très variables.


                                           Celui-ci est parasité par au moins une tique !


                                           Un exemplaire particulièrement cuivré !


On peut observer le Lézard vivipare en train de sa chauffer au soleil, sur l'herbe sèche, sur un endroit couvert de mousses, sur des souches, des troncs d'arbres morts, des piquets de clôture, des tas de pierres, des vieux murs,  ...
 


                                        
Le Lézard vivipare sort de sa léthargie hivernale très tôt, vers la mi-mars (parfois dés février). Les mâles adultes seraient les premiers à se réveiller. Les femelles et les immatures réapparaissent environ un mois plus tard. Les mâles sont souvent agressifs lors de la période de reproduction et les escarmouches ne sont pas rares. C'est en avril-mai que les accouplements ont lieu. La fécondation des oeufs est différée et ne se produit que vers la mi-mai. Plus tard, le corps des femelles "pleines" apparaît nettement gonflé et cylindrique. La gestation dure environ deux à trois mois et les jeunes viennent au monde de la fin juillet à septembre, encore enveloppés dans une membrane diaphane qu'ils déchirent aussitôt. Le lézard vivipare est ovovivipare !




Les juvéniles sont de petits lézards sombres dont la coloration dominante est brun foncé à noir, avec de petites taches claires peu apparentes. A l'éclosion, ils mesurent de 30 à 50 mm.



Il est parfois actif par temps couvert et, comme les autres lézards, il est souvent repéré par le bruit de sa fuite dans la végétation. En cas de danger, il se réfugie parfois dans l'eau ou s'aventure sur les tapis de végétation flottante des marais. Il quitte généralement sa retraite pour rejoindre son site d'insolation après quelques minutes. On le trouve dans différents biotopes, mais c'est à proximité immédiate de l'eau ou en contact avec des zones humides qu'on a le plus de chance de l'observer (prairies proches de fossés, friches mésophiles, suintement d'eau carbonatée, tufs calcaires, anciennes argilières, landes à bruyères, ...). 


                                           Ancienne argilière

                                    

                        Marais tourbeux où l'on peut observer notre lézard sur un caillebotis



Lézard vivipare une espèce héliophile et hygrophile qui fréquente aussi des milieux plus secs, mais alors toujours liés à des zones de transition: lisières et chemins forestiers ensoleillés, clairières et coupes à blanc, affleurements rocheux ou éboulis, talus, ...


 

                                           Lézard vivipare en mue


Photos et texte: Fr. Hela
Les photos sont prises à Awagne, Ciney, Dave, Dorinne, Durnal, Celles (Namur), Gedinne (Croix-Scaille), Houx-sur-Meuse, Leignon, Lustin, Maillen, Salet, Serinchamps, Spontin, Stoumont, Tellin, Vallée de la Meuse entre Namur et Anseremme, Vallée du Bocq et Yvoir

Ouvrages consultés

Arnold E.N. et Burton J.A.: "Tous les reptiles et amphibiens d'Europe en couleurs", Ed. Elsevier Séquoia (multiguide nature), Bruxelles, 1978

Dottrens E.: " Batraciens et reptiles d'Europe ", Ed. Delachaux et Niestlé, Neuchâtel (Suisse), 1963

Graitson E.: " Résultat d'un inventaire des reptiles par la méthode des "plaques refuges" en région wallonne ", in Natura Mosana, Vol. 56 n°4, octobre-novembre-décembre 2003, pp. 73 à 83

Jacob J.-P. et Remacle A.: " Amphibiens et reptiles de Gaume " Ed. S.I. Virton - La Gaume Naturelle, 2015
 
Jacob J.-P. et al.: "Amphibiens et Reptiles de Wallonie ", Ed. Aves - Raînne et du Centre de Recherche de la Nature, des Forêts et du Bois (Région wallonne - DGRNE), 2007

Matz G. et Weber D.: " Amphibiens et reptiles d'Europe ", Ed. Delachaux et Niestlé, Neuchâtel (Suisse) - Paris, 1983

Parent G.-H.: " Contribution à la connaissance du peuplement herpétologique de la Belgique ", in Naturalistes Belges, 73,2, Avril-juin, pp. 33 à 62

Parent G.H.: "Atlas des Batraciens et Reptiles de Belgique ", in Cahiers d'Ethologie Appliquée, Vol. 4, Fasc.. 3, 1984, Université de Liège - Institut de Zoologie (J.-C. Ruwet)











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